Conférence « Palestine: L’engagement de tous » du 01/11/08
A la Bellevilloise 19-21, rue Boyer - 75020 Paris M° GAMBETTA - Ligne 3
Intervenants:
Tarik Ramadan, Professeur d’islamologie à Oxford
Michel Warschawski, Ecrivain, militant israélien anticolonialiste
Bernard Ravenel, Historien, Président de l’Association France Palestine Solidarité
Omar Somi, Délégué Général de Génération Palestine
Pour les vidéo résumant la conférence:
Le sens des paroles de chaque intervenant est rapporté de manière fidèle, quant à la forme, elle est similaire et non identique.

Déroulement:
- Omar Somi: Pour s’en rendre compte, il faut se rendre sur place. [Génération Palestine organise tous les ans des voyages. Il nous avait diffusés avant le début de la discussion un reportage vidéo de leur dernier déplacement.] On assiste clairement à un nettoyage ethnique. Aujourd’hui, le peuple palestinien est un peuple de réfugiés, même s’il est vrai que la citoyenneté israélienne est accordée aux arabes vivants sur les territoires occupés en 1948, non considérés comme des citoyens à part entière. Nous pouvons faire un parallèle avec la situation de la France lors de l’occupation allemande. Avec ce que cela comporte comme paysage de maisons détruites, de barrages militaires, de check-points. Plus de 1.5 millions de palestiniens vivent dans la bande de Gaza dans une vrai prison. Les produits élémentaires ne peuvent pas arrivé sur place. Sans parler du régime israélien cherchant à s’emparer du maximum de terres, tout en poursuivant la « ghettoïsation » du peuple palestinien.
Tarik Ramadan: Trois phénomènes contribuent à la « culturalisation » du problème: la logique de guerre, le processus d’auto-exclusion et la force de l’opinion publique [ce dernier point, il croit qu’il peut basculer et met beaucoup d’espérance là-dessus].
- Ce qui participe à la logique de guerre:
La conférence d’Annapolis: ce n’est pas une conférence de l’ONU, d’où une volonté d’exclure l’ONU de la discussion, de rejeter tout acquis du droit international. En fait, il y avait deux conférences d’Annapolis : une officielle qui était un semblant de perspectives de solutions avec les pays arabes, une autre discrète, préparation de la guerre contre l’Iran. A noter qu’aucune vraie intervention européenne n’était prévue (mise à part un rôle financier). On fait croire qu’on apporte un soutien financier à Mahmoud Abbas, mais on fait en sorte que les objectifs de Mahmoud Abbas échouent. Le but étant d’ôter toute crédibilité à Mahmoud Abbas aux yeux des palestiniens. On assiste bien à une volonté de liquider tout partenaire palestinien.
D’autre part, le retrait de Gaza a été unilatéral, non négocié avec Mahmoud Abbas. Donc on a bien voulu fixer unilatéralement les frontières, ce qui rentre bien dans une logique de guerre.
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Il est clair que cela rentre dans le projet du Grand Proche-Orient de Bush, de faire croire que c’est un conflit plus religieux, un conflit entre musulmans et juifs, ente laïcs et religieux [notamment côté palestinien]. Comment en est-on arrivé à l’atomisation de la situation? Comment en est-on arrivé à la guerre civile ?
Tarik Ramadan: La question politique est centrale dans la résolution de ce conflit. Où il faut faire preuve de patience. Les projets de paix ne sont en réalité que des moyens de gagner du temps (le retrait de Gaza n’était qu’une mise en scène).
- Ce qui contribue au processus d’auto-exclusion:
« Qu’est-ce que l’autorité sans le pouvoir et qu'est-ce que le pouvoir sans autorité ?» Hamas n’aurait jamais dû se présenter aux élections (autorité sans pouvoir). Maintenant, des haines sont installées entre le Hamas et Fatah, entre deux autorités palestiniennes. Sans parler des critiques qu’ils reçoivent de la part des pays arabes [qui devraient avoir honte de participer à ce jeu].
Michel Warschawski: La colonisation est un processus de destruction de l’espace. L’ « israélisation » progressive du territoire rentre dans une stratégie de globalisation de la guerre. On intègre une idéologie de reconquête, un projet de recolonisation du monde par les américains.
L’idéologie de reconquête:
Après 1945, on assiste à une période d’acquisition de droits (convention de Genève…), même s’ils ne restent souvent que sur papier. Néanmoins, ils peuvent toujours être réclamés, vu qu'ils existent sur papier. Aujourd’hui, l’objectif pour les américains n’est pas de reprendre que les territoires, mais aussi les droits.
Le Mur a une vocation globale de séparation entre l'Ouest et l’Est. Comme autrefois, nous avions une séparation entre l’occident libéral et le monde communiste dont le symbole était Berlin. Là, la séparation concerne la civilisation judéo-chrétienne et l’Orient. Or lorsqu’on utilise le tiret, c’est souvent pour exclure un troisième élément, qui correspondrait ici au « terrorisme international », à « l’islamiste ».
Toutefois, le rapport de Hamilton montre l’échec de la politique au Proche-Orient. On se dirige vraisemblablement vers une politique plus multilatéraliste.
Tarik Ramadan:
Sans oublier la question politique et idéologique. Le problème israélo-palestinien est au centre de la théorie du clash des civilisations. Les paroles du Pape où il déclarait que les racines de la civilisation occidentale sont en Grèce ne sont pas anodines. Elles servent à installer la crainte de l’islam. Il faut avoir une lecture globale du conflit. Claude Lelouch avançait que les immigrés étaient capables de changer la politique internationale. Il craignait leur participation politique car elle peut avoir une influence sur l’orientation de la politique internationale.
Il faut éviter la « culturalisation » du problème. Les questions sociales nécessitent une réflexion autre que culturelle [ex: problème du voile]. Pour cela, il est nécessaire de lutter contre toute forme de discrimination, contre toute forme de racisme. C’est pour cela qu’il faut être très clair, et refuser de manière catégorique, de manière catégorique [il a répété ce mot deux fois pour bien insister sur ce point] l’antisémitisme. Le but recherché est la conscience politique [des français]: c’est une honte de ne pas dénoncer ce qui passe en Palestine alors que l’on défend les droits de l’Homme.
Bernard Ravenel: La nécessité de former un bloc social et politique se posait comme une évidence. L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) est une plateforme des ONG françaises, dont l’objectif est de soucier l’opinion publique et les partis politiques. Elle comporte des ONG variées et donc plusieurs composantes de la société française. Elle cherche à trouver un accord entre elles sur les objectifs politiques tout en continuant la bataille contre la ghettoïsation. Pour cela, il faut éviter tout repli communautaire.